Un poète à Paris

© P.Lefeuvre
Vivant en France depuis cinq ans, Rufo Quintavalle vient de publier son premier recueil de poésie. Ce jeune écrivain anglais tire une grande partie de son inspiration des divers quartiers de Paris.

[ Pratique ]

- Rufo Quintavalle
rquintav@gmail.com
- Oystercatcher Press
Make Nothing Happen”.
Prix : 4 £.
Frais postaux. Royaume-Uni : gratuit, Europe : 1 £, Monde : 2 £.
oystercatcherpress@gmail.com
oystercatcherpress.com/rquintavalle.html
« C’est quelques mois après mon arrivée à Paris en 2005 que j’ai décidé d’arrêter mes études littéraires et de consacrer mon temps à écrire », confie Rufo Quintavalle, jeune poète de 31 ans. Né à Londres de parents italien et néo-zélandais, il vient de publier son premier recueil de poésie intitulé « Make Nothing Happen ».
« J’apprécie de ne pas vivre dans un pays de langue anglaise. Cela me donne une certaine liberté d’écriture et fait que je suis peu impliqué dans les controverses littéraires de Londres, New York ou autres grandes villes anglophones. Cela m‘aide pour écrire ».



© P.Lefeuvre
 Une source d’inspiration
Sa venue en France n’a toutefois pas été préméditée. Elle résulte de l’un de ces hasards dont la vie est faite. Ayant grandi à Londres, il a débuté ses études en littérature anglaise à Oxford et les poursuivait à l’université de l’Iowa quand il a rencontré Agnès, une Française qui est aujourd’hui sa compagne. C’est elle qui l’a encouragée à venir s’installer dans le pays de Molière. « Je n’étais pas spécialement attiré par Paris, mais au fil des ans je me suis mis à aimer cette ville. J’apprécie le rythme de la vie, qui est plus posé qu’à Londres, et sa taille modérée qui fait qu’en deux heures de marche il est possible d’en voir une grande part et de traverser des quartiers extrêmement variés ». Plus que la France, Paris est ainsi devenu l’une des sources d’inspiration de ses poèmes qui possèdent plus une cohérence de style que de sujet. Les vingt-cinq poèmes de son recueil sont tous, d’une manière ou d’une autre, un examen philosophique de l’idée du néant. « Chacun concentre de nombreuses sources. Cela commence souvent par quelque chose que je lis, que je trouve intéressant, qui déclenche une chaîne de pensées. Mais pour que cela donne naissance à un poème je dois trouver des images à y associer au cours de ma réflexion. Par exemple, le titre et le cadre de base de l’un d’entre eux sont inspirés d’un philosophe allemand, Fichte, mais son imagerie vient des rues de mon quartier ».

Frei werden ist der Himmel

The days are staying hot into the night
and the drag queens are fighting in the corner bar;
some flagrantly so or choose flagrantly
to work their way out of it
but hasn't everyone on this street been born
into a life not their own?
It's nothing to be ashamed of, Jesus
was and took thirty years to wriggle out of his;
what is is if you never do
or never make peace with the lie.
At five o'clock the rubbish truck comes,
on Thursdays the dustman sweeps the street.
The city, which endlessly starts again,
belongs to the drag queens in the corner bar.



© P.Lefeuvre
 Déambuler au hasard des rues
Rufo Quintavalle compose donc plus souvent en se promenant qu’en étant assis derrière sa table de travail. « J’aime marcher, peu importe où. Cela n’a pas besoin d’être un lieu historique ou beau. Le simple fait de changer de lieu et d’être dans un endroit nouveau suffit, cela amène mon esprit à fonctionner de manière différente et produit parfois un poème. Déambuler au hasard dans les rues et avoir le sentiment d’être un peu perdu est favorable pour écrire ».
Il n’est donc pas surprenant qu’il cite les rues résidentielles de Paris, et notamment les alentours de la place de Clichy, où il vit, parmi les endroits de la ville qu’il préfère, ainsi que des monuments plus connus comme la partie du Jardin des Tuileries située près du Carrousel du Louvre ou la Grande Galerie de l’Evolution du Muséum d’Histoire Naturelle. « C’est agréable d’être dans un lieu qui a été si important dans le développement de la pensée moderne ».



© P.Lefeuvre
 Influencés par des poètes américains
Mais si Rufo Quintavalle s’inspire de Paris, il estime également être influencé par un certain nombre de poètes américains du courant minimaliste : Robert Creeley, William Carlos Williams, A.R Ammons. « Pour leur style ». Et par Wallace Stevens et Walt Whitman pour leur sensualité et leur vision de ce qu’est la poésie. « De plus j’écoute beaucoup de musique, en particulier Leonard Cohen, Tom Waits, Nick Cave et Bob Dylan, et je suppose que cela a également une influence sur ma poésie ». Des artistes qu’il ne manque pas d’aller voir lorsqu’ils donnent des concerts dans la capitale.

Static

In half-lit rooms a radio tuned to nothing buzzes static,
a burr like the music of history,

which explains nothing
but without which we cannot explain;

it is this sound not silence we wake and sleep to
and by it feel we are the same that wake who slept.


14 Mai 2009
Pascal Lefeuvre